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“Au Saut du Livre” et « Lectures Croisées » du 20 octobre 2012

Cette reprise des séances de « Au Saut du Livre » était aussi l’occasion de parler des ouvrages des « Lectures Croisées », deux livres choisis conjointement avec nos collègues américains de la ville de Mount Prospect, avec laquelle Sèvres est jumelée depuis une dizaine d’années : « Et que le vaste monde poursuive sa course folle » de Colum McCann et « La délicatesse » de David Foenkinos. Les deux autres romans proposés étaient « La ligne de courtoisie » de Nicolas Fargues et « Le marin rejeté par la mer » de Yukio Mishima.

Nous débutâmes par le roman polyphonique de Colum McCann, vaste ronde de personnages qui nous présente le New York des années 70 dans toute sa diversité. A partir de l’événement exceptionnel que fut la traversée du vide, sur un câble tendu entre les deux tours du World Trade Center, par le funambule Philippe Petit, l’auteur irlandais tisse une toile d’événements a priori éloignés qui finiront par se rejoindre de façon parfois tragique. Ce roman a été très apprécié par nos lecteurs, tant par le style très visuel que par le rythme et la construction, qui relance sans cesse l’intérêt. La palette de personnages très typés, parfois même un peu caricaturaux, d’origines diverses voir opposés, ont engendré beaucoup d’empathie de par leurs destinés toujours sur le fil du rasoir. Comme dans son autre roman « Les saisons de la nuit » Colum McCann nous fait revivre l’ambiance très particulière du New York des années 70.

Le deuxième roman proposé, « La délicatesse » de David Foenkinos, plus léger, n’a pas rencontré le même enthousiasme. Roman sentimental et décalé on y retrouve le thème de prédilection de l’auteur : des histoires d’amour empruntes d’autodérision. D’une lecture pourtant agréable et distrayante, nos participants n’ont pas partagé l’engouement général de la critique et des faiseurs de prix. On notera qu’un de nos participants a suggéré néanmoins la lecture de « Les souvenirs », roman touchant sur la mort du grand-père du narrateur.

« La ligne de courtoisie » de Nicolas Fargues, notre troisième opus de la matinée, a fortement déçu notre lectorat. Le narrateur, écrivain quadragénaire désabusé, écoeuré par la médiocrité de ses contemporains, décide de s’exiler en Inde, espérant y combler le vide de son existence. Las, il y retrouvera les mêmes travers. Incisif, Nicolas Fargues se plait à passer au crible les multiples défauts de l’époque. Des avis très tranchés ont trouvé cette écriture vide et trop précieuse, faisant un emploi excessif de termes érudits et techniques qui en alourdissent voir en empêchent la lecture. D’autres ont défendu la verve sarcastique de l’auteur, son habilité à renverser les codes, notamment paternels, tout en qualifiant l’ouvrage de « soufflet qui retombe » qui laisse un goût d’inachevé. Malgré tout, un de nos lecteurs a suggéré « Tu verras », livre coup de poing qui retrace le deuil d’un père.

Nous avons terminé cette séance avec un écrivain japonais majeur, Yukio Mishima, dont le court roman « Le marin rejeté par la mer » a fait l’unanimité de notre lectorat. Mishima, célèbre par son œuvre et par sa fin terrible (il se suicide le 25 novembre 1970 par seppuku à l’École militaire du quartier général du ministère de la Défense de Tokyo, après une tentative désespérée de coup d’Etat voué à l’échec) donne dans cet ouvrage de 1963 un aperçu synthétique de son art : un style poétique sobre et raffiné au service d’une intrigue cruelle et tragique. Ce récit présente en effet la dérive d’un jeune garçon, Noboru, vers le meurtre d’un marin qui a séduit sa mère et qui souhaite s’installer avec elle. Ce marin d’apparence virile aura déçu Noboru, qui décide de le punir d’avoir quitté la mer, cet élément sauvage et magnifique qui incarne pour lui l’aventure et l’absolu. Dans une atmosphère moite et étouffante, Mishima déroule le drame de l’adolescence et de la paternité, de la violence froide de l’idéalisme déchu. Remarquable par sa concision et son intensité, cet ouvrage emblématique par ses thématiques de l’art et des obsessions de Mishima, est de ce fait une excellente introduction à l’œuvre flamboyante de l’écrivain japonais.

Quelques propositions de lecture, suite à cette séance :

Le chant du coyote ; Danseur  de Colum McCann

Tu verras  de Nicolas Fargues 

Les souvenirs de David Foenkinos

Le pavillon d’or ; Chevaux échappés ; Le soleil et l’acier ; L’ange en décomposition  de Yukio Mishima

Mishima ou la vision du vide de Marguerite Yourcenar

Nous vous donnons rendez-vous le 17 novembre 2012 pour la prochaine séance d’ « Au Saut du Livre », en espérant vous voir toujours plus nombreux et enthousiastes ! Au menu du 17 novembre 2012 :


  • Féroces de Robert Goolrick

  • Bifteck de Martin Provost

  • Le Park de Bruce Bégout

  • L’Annulaire de Yoko Ogawa           
 Cliquez sur les photos pour les voir à leur taille originale
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