« Au Saut du Livre » du 2 juin 2012
Samedi 2 juin, les participants de notre club de lecture « Au saut du livre » se sont retrouvés pour la dernière rencontre de la saison. Les quatre livres de ce samedi nous ont offert un voyage des plus inattendus !
Tout d’abord une promenade dans le temps, le pléistocène plus précisément, avec l’ouvrage de Roy Lewis Pourquoi j’ai mangé mon père. L’auteur y présente avec énormément d’humour une famille de pithécanthropes, dont chacun des membres possède les caractéristiques d’une famille contemporaine ! La thématique principale du roman, l’évolution de l’espèce, est amenée par le père de famille, Edouard. C’est grâce à lui que les inventions majeures apparaissent : l’utilisation du feu, la cuisine des aliments par exemple. Le ressort comique est introduit par le comportement et les dialogues résolument anachroniques : la réflexion sur les concepts d’exogamie, d’éducation, d’innovation en matière de technique de chasse par exemple. De plus, comme l’ont souligné nos participants, l’auteur use de toute son habileté pour nous faire réfléchir sur les thèmes sérieux et graves de notre temps : l’incendie de la savane peut aisément être comparé à la maîtrise difficile de l’énergie nucléaire par exemple.
Notre second roman nous ramène au XXIe siècle, en Irlande. Retour à Killybegs de Sorj Chalandon, Grand Prix de l’Académie Française en 2011 a également reçu un accueil favorable de la part nos lecteurs. Après avoir avoué à ses compatriotes sa trahison, Tyrone Meehan, 80 ans, retourne dans la maison familiale à Killybegs et attend la fin qu’il sait toute proche. Alors il se confesse, avoue les raisons de sa trahison. Et c’est sur ce point précis que sont apparues quelques divergences au sein de notre groupe. Que signifie cette trahison ? Meehan était-il un lâche ou juste un jeune homme aveuglé par son soudain statut de héros ? Toutefois, il est difficile de rester insensible à l’histoire de ce personnage, de la souffrance qui l’étreint depuis son enfance jusqu’à son retour à Killybegs. Meehan est un homme engagé : dès ses jeunes années, il intègre l’IRA, prend les armes pour libérer l’Irlande du Nord. Il connaît la prison, l’humiliation, l’isolement et la solitude du traître. L’écriture dépouillée et intense de Chalandon nous a emportés au cœur de l’histoire de l’Irlande, de sa violence, de ses hommes tour à tour héros et martyrs, victimes et bourreaux.
« Tant qu’à courir, il vaut mieux courir vite, non ? », tel est le leitmotiv d’ Emil Zatopek, l’homme qui courait plus vite que son ombre, héros du roman « Courir » de Jean Echenoz, troisième opus de cette séance. Rien ne prédestinait cet homme, ouvrier dans une usine de chaussures, à devenir une légende de la course à pied au palmarès éloquent. Basée sur la vitesse et la souffrance, sa méthode d’entraînement fera de Zatopek un athlète à part, une mécanique capable de tous les prodiges. Sans utiliser la moindre date ni le moindre chiffre, Jean Echenoz redessine dans « Courir », non seulement les contours de cet homme hors du commun mais restitue également les éléments historiques de la Tchécoslovaquie : l’invasion allemande, la libération, l’oppression soviétique… Emil Zatopek, « la locomotive tchèque » sera le parfait emblème du parti communiste.
Le dernier livre de cette séance est le prix Renaudot 2011, le Limonov d’Emmanuel Carrère, auteur déjà plébiscité pour ses romans chez POL (La moustache entre autre). Ce gros livre de 500 pages ne devait être à l’origine qu’un simple article dans une revue, mais le sujet a tellement intrigué et passionné Carrère qu’il n’a pu s’empêcher de l’approfondir encore et encore. Ce sujet, c’est Edouard Limonov, écrivain-poète russe, « star » de la dissidence depuis 1974, aventurier et voyou, fondateur d’un parti politique radical, opposant permanent (à Eltsine, puis à Poutine), qui a parcouru sa vie comme on dégoupille une grenade : dans l’attente exaltée de l’explosion ! Mi-Jean Genet mi-D’Annuzio, ce véritable personnage échappé des « Possédés » de Dostoïevski, dont la quête de l’intensité et de l’héroïsme est le seul leitmotiv, était le parfait sujet pour peindre une fresque de la Russie contemporaine. Cette fascinante enquête biographique est en effet le moyen de retracer l’histoire de la chute de l’URSS, du désastre économique des années Eltsine qui signe la désillusion des Russes envers le « capitalisme sauvage » et enfin de la Russie poutinienne, nouvel empire qui effraye l’Occident. Sans jamais prendre parti, Carrère se met aussi en scène, en contrepoint d’Edouard Limonov, afin de souligner le contraste entre l’Occident et la Russie : la violence de cette dernière mais également sa formidable vitalité. Cet ouvrage intriguant se lit d’une traite, tant on est emporté par le sujet et l’écriture limpide de Carrère. Au final, nos participants ont apprécié l’histoire hors norme de ce sulfureux Limonov, incarnation de toutes les contradictions russes.
En complément de cette lecture, plusieurs autres romans russes ont été cités :
13 juillet 2012 à 20:18
Encore une matinée bien agréable,pour découvrir de nouveaux romans et des auteurs au travers la passion de lecteurs.
J ‘attends avec impatience la rentrée d’octobre!
Merci aux bibliothècaires pour ces rencontres et ce compte rendu très complet, de bonnes idées de lectures